Le futur des métiers en grands magasins et magasins populaires

17/06/20Emploi et compétences, Magasin et territoire

Les technologies digitales, dont l’intelligence artificielle (IA), mais aussi les nouveaux comportements de consommation ou l’internationalisation de la clientèle, entraînent des changements majeurs qui questionnent, sur le long terme, le modèle économique du retail. Ainsi, la branche des Grands magasins et des Magasins populaires a confié à l’Observatoire prospectif du commerce et au cabinet Eurogroup Consulting la réalisation d’une étude prospective à 5 ans sur l’évolution de leur modèle. Celle-ci a pour objectif d’anticiper et d’accompagner les évolutions à l’œuvre au cours des 5 prochaines années, et plus précisément :

  • d’étudier les grandes tendances à venir dans les 5 ans au sein de la Branche, et plus largement de la Distribution, en France et à l’international,
  • de qualifier les impacts métiers (vente, logistique, siège) de ces évolutions sur les 5 prochaines années,
  • d’identifier des propositions d’accompagnement des salariés pour mieux appréhender ces évolutions (formation et professionnalisation, parcours professionnels vers les métiers en développement, actions de gestion de l’emploi, etc.).

Vers la robotisation collaborative

Les évolutions digitales constituent le premier facteur d’évolution de la Branche à 5 ans et le défi n°1. Le développement du big data et de l’IA, et donc du traitement de la donnée, pose aussi bien des questions éthiques sur l’usage des data (le RGPD vise à les protéger) que de ressources humaines : quelles compétences à avoir ou acquérir pour les salariés, quoi internalisaliser ou externaliser ?

Le développement de la robotisation, de l’automatisation, qui suscitait aussi de nombreuses craintes, s’oriente, selon l’étude, plutôt vers une évolution des métiers que vers une suppression de postes. Il s’agit d’une « robotisation collaborative », en quelque sorte : l’homme et la machine vont se compléter, le robot remplissant les tâches pénibles ou à plus faible valeur ajoutée pour en décharger l’humain, permettant ainsi aux salariés d’évoluer vers de nouvelles compétences à plus grande valeur ajoutée et des métiers plus porteurs. Si quelques métiers administratifs pourraient néanmoins être impactés par l’automatisation de certaines tâches, la pyramide des âges devrait suffire à ajuster les effectifs.

Les technologies ont également un impact sur l’encaissement. Outre l’essor du paiement via smartphone, l’encaissement directement auprès du vendeur va, au même titre que les caisses en libre service, se développer.

L’omnicanalité est aussi un fort enjeu, l’image d’un parcours sans couture, développée par les réseaux sociaux, générant de grandes attentes en termes de fluidité d’achat chez le client. Une e-reservation depuis chez soi ou son métro, par exemple, exige une bonne gestion des stocks pour un click & collect satisfaisant.

CARE et softs skills dans l’évolution du métier de vendeur

Le renforcement de l’intégration du digital dans les magasins, en appui aux employés, impacte aussi bien les entrepôts logistiques que les points de vente. Appel depuis la cabine d’essayage, miroir connecté, personnalisation des colis, etc. : les innovations envisagées, sinon déjà mises en place, notamment en dehors de l’Hexagone, ont pour but de se recentrer sur le service client. La logistique servicielle tend vers une « livraison en gants blancs » qui réenchante l’expérience.

En magasin, le vendeur se retrouve de plus en plus souvent face à des personnes déjà renseignées et aux choix bien orientés. Il doit alors être un facilitateur d’achat, et ce quel que soit le rayon, qui accompagne le client tout au long de son parcours. Le lien à tisser avec le client, qui tient de la relation personnalisée ou du CARE (relation de bienveillance sur le modèle de la relation qu’un médecin entretient avec son patient), se rapproche de l’univers du luxe, afin de valoriser le commerce physique par rapport au e-commerce, et se prolonge après l’acte d’achat pour créer du flux en point de vente. Désormais ambassadeur de l’enseigne, le vendeur participe pleinement à l’achat désir ou plaisir.

La relation avec le client n’étant plus seulement transactionnelle, le vendeur devra faire preuve, au-delà de la polyvalence et du soin attendus, d’une expertise renforcée (en nutrition, par exemple), au sein d’un lieu toujours plus théâtralisé, où les surfaces de vente diminuent pour laisser place à des espaces « non productifs » tels que les ateliers culinaires ou créatifs qui transforment littéralement le consommateur en consommacteur. Dans ces lieux de vente qui tendent à devenir des lieux de vie, l’art et la restauration prennent une importance de plus en plus grande pour réussir le challenge d’attirer en magasin. Le client « promeneur » y cohabite avec le client pressé, pour qui le grand magasin ou le magasin populaire joue le rôle de centralisateur de services, et la clientèle locale y côtoie la clientèle internationale. Pour plaire à cette dernière, les entreprises seront à la recherche de candidats polyglottes capables, de surcroît, d’adapter leurs compétences relationnelles à des clients de cultures différentes. Côté offre, moins « mainstream », les exclusivités avec les petites marques seront privilégiées. Dans ce contexte, le métier de personal shopper est voué à prospérer.

Au-delà des nouveaux outils à maîtriser, les RH vont donc devoir porter, aussi bien au niveau des bilans de compétences que de la formation ou du recrutement, une attention toute particulière aux soft skills, ces compétences douces, si médiatisées ces dernières années (empathie, intelligence émotionnelle, curiosité, etc.), qui sont essentielles à l’écoute et à la considération des clients. Cela présuppose, bien entendu, un véritable savoir-être comportemental tant chez les personnes en charge des embauches que chez les managers. Par ailleurs, les RH seront amenées à revoir la définition des responsabilités.

Consommer moins mais mieux

Les enseignes doivent également s’adapter à la volonté des citoyens de donner du sens à leur consommation. Les vendeurs doivent ainsi être en mesure de répondre, notamment, aux questions sur l’origine des produits, et les marques inciter à l’achat de produits plus RSE ou au recyclage, par exemple. Même les entreprises dites de « fast fashion » ont conscience de cette attente et développent en conséquence le commerce de la seconde main, en ligne comme en magasin.

Si l’impact de cette tendance sur les métiers est encore assez flou, les flottes de véhicules de livraison seront moins énergivores. Par ailleurs, les déplacements à pied ou à vélo seront privilégiés. Reste à définir pour la consommation durable un modèle économique viable.

De la proximité jusque dans le management

Ça sert à quoi, exactement, un manager ? Qu’est-ce qu’un bon manager ? Dans la presse, le statut ne semble plus faire rêver. Pourtant, il peut être garant de sens et de bien-être au travail. Le manager de proximité, qui assure le rôle d’intermédiaire entre la direction de l’entreprise et les employés, sera en première ligne pour accompagner ses équipes et les faire adhérer aux changements.

Selon les conclusions de l’étude, la transition va se poursuivre de manière fluide, les cinq prochaines années. Les diverses transformations ne vont pas conduire à une révolution des métiers mais à des évolutions mesurées, où l’humain sera remis au cœur du business client. Véritables ambassadeurs de la marque, les salariés devront pouvoir promouvoir les événements et défendre les valeurs et les engagements de leur entreprise, non pas au nom du « corporate » forcé mais d’un authentique attachement, fondé sur la symétrie des attentions, ce principe vertueux selon lequel la bienveillance des dirigeants et des managers envers les équipes redescend en cascade sur les clients. Quant au digital, il sera, dans la lignée de ce constat, un outil et non pas une fin en soi.

Avec les compétences digitales qui deviennent centrales, y compris en surfaces de vente, la maîtrise exacerbée des langues étrangères et l’importance croissante du savoir-être, il sera évidemment plus que jamais primordial de travailler sur l’image et l’attractivité, et de fidéliser les collaborateurs et les talents, notamment en proposant des formations diplômantes.

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