Loi d’urgence : les ordonnances

15/04/20Économie

Congés payés, durée du travail et jours de repos

L’ordonnance donne la faculté à l’employeur d’imposer des vacances à ses salariés, ou de les reporter, pour des périodes ne pouvant excéder « six jours ouvrables », sous un préavis d’un « jour franc », seulement.

Cette possibilité n’est toutefois offerte que si un accord d’entreprise ou de branche le prévoit.

En revanche, les « dates des jours de réduction du temps de travail » et « des jours de repos affectés sur le compte épargne-temps du salarié » pourront être dictées ou modifiées « unilatéralement » par la direction, sans qu’un accord collectif soit requis.

L’ordonnance prévoit aussi, pour certains secteurs jugés essentiels à la continuité de la vie économique, de déroger à la :

durée quotidienne maximale de travail,
– durée quotidienne maximale accomplie par un travailleur de nuit,
– durée du repos quotidien,
– durée hebdomadaire maximale absolue et moyenne,
– durée hebdomadaire de travail du travailleur de nuit.

Intéressement et participation : un délai de versement prolongé

L’ordonnance modifie, à titre exceptionnel, les dates limites et les modalités de versement des sommes versées au titre de l’intéressement et de la participation. Compte tenu des circonstances exceptionnelles liées à l’épidémie de coronavirus, elle prévoit que l’intéressement et la participation sur 2019 pourront être versés jusqu’au 31 décembre 2020, et non avant le 1er juin pour les entreprises ayant un exercice comptable correspondant à l’année civile, comme le prévoit le code du travail.

Adaptation temporaire des conditions et modalités d’attribution de l’indemnité complémentaire

L’ordonnance « adapte temporairement les conditions et modalités d’attribution de l’indemnité complémentaire » versée par l’employeur en cas d’arrêt de travail. Le texte lève certaines conditions en principe requises pour bénéficier des indemnités complémentaires, afin de permettre aux salariés bénéficiant d’un arrêt de travail lié à l’épidémie de coronavirus de les percevoir.

En pratique, l’ordonnance « lève certaines conditions prévues dans le droit commun pour le versement de l’indemnité complémentaire aux allocations journalières » :

  • la condition d’ancienneté d’un an dans l’entreprise ;
  • l’obligation de justifier dans les 48 heures de l’incapacité de travail liée à la maladie ou à un accident ;
  • l’obligation d’être soigné sur le territoire français ou dans l’un des autres États membres de la Communauté européenne, ou encore dans un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen.

L’exclusion visant notamment les salariés temporaires est également levée.

Ces assouplissements des conditions de versement de l’indemnité complémentaire permettent d’élargir la part de salariés couverts, qu’ils soient arrêtés pour maladie ou qu’ils soient dans l’impossibilité de travailler parce qu’ils « font l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile », ou qu’ils « sont parents d’un enfant de moins de seize ans faisant lui-même l’objet d’une telle mesure ».

Ces dispositions s’appliquent « jusqu’au 31 août 2020 ». Un décret pourra « aménager les délais et les modalités selon lesquelles l’indemnité » est versée.

Prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et adaptation des procédures

Tous les délais des actes, formalités, déclarations et procédures juridiques qui seraient expirés entre le 12 mars 2020 et un délai d’un mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire (soit le 10 juillet) sont concernés par cette ordonnance. Ces délais, « prescrits par la loi ou le règlement », courent de nouveau à compter de la fin de cette période, pour la durée qui était légalement impartie, mais dans la limite de deux mois (article 2).

Toutefois, les délais prévus par des stipulations contractuelles comme le paiement des obligations contractuelles doit toujours avoir lieu à la date prévue par le contrat, sauf application des règles d’exemption habituelles : suspension de la prescription contractuelle pour impossibilité d’agir (article 2224 du code civil), force majeure (article 1218 du code civil). De même les « délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement » et « les délais prévus pour le remboursement de sommes d’argent en cas d’exercice de ces droits » sont exclus de cette prorogation, par une ordonnance du 15 avril 2020. Ces derniers s’achèvent par conséquent dans les conditions habituelles, même s’ils expirent durant la période juridiquement protégée.

Quant aux astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires et clauses de déchéance visant à sanctionner un débiteur, et qui auraient dû produire leurs effets entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 à 00h sont suspendues : elles prendront effet un mois après la fin de la période, si le débiteur n’a pas exécuté son obligation d’ici là (article 4).

Sont prolongés de deux mois après la fin de la période visée à l’article 1 les délais pour résilier ou dénoncer une convention lorsque sa résiliation ou l’opposition à son renouvellement devait avoir lieu dans cette période (article 5).

Sont également suspendus tous les délais à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis d’une autorité administrative devaient être rendus durant cette période (article 7).

En matière fiscale et douanière, sont suspendus les délais de prescription du droit de reprise qui arrivent à terme le 31 décembre 2020, pour une durée égale à celle de la période comprise entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire (article 10, I., 1°). Sont également suspendus, pendant la même période, tant pour le contribuable que pour les services de l’administration fiscale, l’ensemble des délais prévus dans le cadre de la conduite des procédures de contrôle et de recherche en matière fiscale (article 10, I., 2°). La suspension des délais concerne également ceux applicables en matière de rescrit. Des dispositions identiques sont prises pour les délais de reprise, de contrôle et de rescrit prévus par le code des douanes.

Adaptation des règles relatives à l’approbation et la publication des comptes

Article 1er : après la clôture de chaque exercice, le directoire présente, sous 3 mois, au conseil de surveillance (article L. 225-68 du code du commerce) les documents visés au deuxième alinéa de l’article L. 225-100. L’article 1er permet de proroger de 3 mois le délai de présentation. La prorogation est applicable aux sociétés clôturant leurs comptes entre le 31 décembre 2019 et l’expiration d’un délai d’un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire.

Article 2 : le délai de 3 mois à compter de la clôture (article L. 237-25 du code de commerce) donné au liquidateur d’une entreprise pour établir les comptes annuels et le rapport écrit est prorogé de 2 mois.

Article 3 : les délais d’approbation des comptes et des documents qui y sont joints sont prorogés de 3 mois. La prorogation est applicable aux sociétés clôturant leurs comptes entre le 30 septembre 2019 et l’expiration d’un délai d’un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire.

Article 4 : les délais (article L. 232-2 du code de commerce ) imposés aux conseils d’administration, aux directoires ou aux gérants des sociétés comptant 300 salariés ou plus, ou dont le montant net du chiffre d’affaires est égal à 18 millions d’euros, pour établir une situation de l’actif réalisable et disponible, valeurs d’exploitation exclues, et du passif exigible, un compte de résultat prévisionnel, un tableau de financement en même temps que le bilan annuel et un plan de financement prévisionnel, sont prorogés de 2 mois.

Article 5 : le délai de 6 mois imposé aux organismes de droit privé pour produire le compte rendu financier qui atteste de la conformité des dépenses effectuées à l’objet de la subvention est prorogé de 3 mois.

Adaptation des règles de réunion

Le 25 mars 2020, a été présenté en Conseil des Ministres l’ordonnance adaptant les règles de convocation, d’information, de réunion et de délibération des assemblées et des organes collégiaux d’administration, de surveillance ou de direction des personnes morales, d’une part, et des entités dépourvues de personnalité morale de droit privé, d’autre part, afin de leur permettre de continuer d’exercer leurs missions malgré les mesures de confinement.

N.B. : Il faut noter les caractères facultatif et temporaire des mesures détaillées ci-dessous. Au regard des circonstances propres à chaque groupement, une sortie progressive du dispositif d’exception devra être organisée.

TITRE I – Le champ d’application

  • Article 1er
    L’article 1er établit une liste non limitative des groupements concernés par l’ordonnance :
    1° Les sociétés civiles et commerciales ;
    2° Les masses de porteurs de valeurs mobilières ou de titres financiers ;
    3° Les groupements d’intérêt économique et les groupements européens d’intérêt économique ;
    4° Les coopératives ;
    5° Les mutuelles, unions de mutuelles et fédérations de mutuelles ;
    6° Les sociétés d’assurance mutuelle et sociétés de groupe d’assurance mutuelle ;
    7° Les instituts de prévoyance et sociétés de groupe assurantiel de protection sociale ;
    8° Les caisses de crédit municipal et caisses de crédit agricole mutuel ;
    9° Les fonds de dotation ;
    10° Les associations et les fondations.

TITRE II – Les assemblées

  • Article 2
    L’article 2 indique que, pour les sociétés cotées, aucune assemblée ne peut encourir la nullité pour l’absence de convocation par voie postale,due aux circonstances extérieures à la société.
  • Article 3
    La communication d’un document ou d’une information, préalable à la tenue d’une assemblée peut être faite par mail, sous réserve que le membre de l’assemblée indique dans sa demande son adresse électronique.
  • Article 4
    Lorsqu’une assemblée est convoquée en un lieu concerné par une mesure administrative limitant ou interdisant les rassemblements collectifs, le droit des membres d’y assister ainsi que les droits liés comme celui de poser des questions orales ou de modifier les projets de résolutions en séance (dans les sociétés anonymes (SA) et les sociétés en commandite par actions (SCA)) ne sont pas exercés. Mais comme la tenue de ces assemblées est essentielle au fonctionnement des groupements, et que l’ajournement pourrait avoir des conséquences significatives sur le financement, les membres voire, dans le cas des sociétés cotées, les marchés financiers, les membres peuvent participer et voter à l’assemblée via l’envoi d’un pouvoir, le vote à distance ou la visioconférence. Les membres de l’assemblée sont alors avisés par tout moyen (un avis de réunion ou une convocation) de la date et de l’heure de l’assemblée, ainsi que des conditions dans lesquelles ils pourront exercer l’ensemble de leurs droits.
  • Article 5
    Exceptionnellement, le recours à la visioconférence ou aux autres moyens de télécommunication est possible pour les groupements, même si cela n’était pas prévu par la loi ou si c’était soumis à des conditions (existence d’une clause dans les statuts), qui sont donc neutralisées.
    La visioconférence est possible à deux conditions :
    – disposer des moyens techniques adéquats pour transmettre la voix des participants,
    – assurer l’identification des actionnaires ou des associés.
  • Article 6
    Lorsque la loi prévoit que les décisions des assemblées peuvent être prises par voie de consultation écrite, il peut être décidé de recourir à cette faculté sans qu’une clause des statuts ou du contrat d’émission ne soit nécessaire.
  • Article 7
    S’il est fait le choix de recourir aux dispositions de l’ordonnance et que les formalités de convocation à l’assemblée ont déjà été accomplies, les membres de l’assemblée doivent en être informés par tous moyens au moins trois jours ouvrés avant la date de l’assemblée. Dans le cas des sociétés cotées, les actionnaires doivent en être informés dès que possible par voie de communiqué dont la diffusion effective et intégrale est assurée par la société.

TITRE III – Les organes collégiaux d’administration, de surveillance ou de direction

  • Article 8
    Le recours à la visioconférence et autres moyens de télécommunication pour les réunions des organes collégiaux d’administration,de surveillance ou de direction est autorisé. Les clauses contraires des statuts sont neutralisées.
  • Article 9
    Les décisions des organes collégiaux d’administration, de surveillance ou de direction peuvent être prises par voie de consultation écrite de leurs membres, sans qu’une clause dans les statuts ou le règlement intérieur ne s’y oppose.

TITRE IV – Dispositions finales

  • Article 10
    Un décret précisera les conditions d’application de la présente ordonnance.
  • Article 11
    La présente ordonnance est applicable aux assemblées et aux réunions des organes collégiaux d’administration, de surveillance et de direction tenues à compter du 12 mars 2020 et jusqu’au 31 juillet 2020, sauf prorogation de ce délai jusqu’à une date fixée par décret en Conseil d’Etat et au plus tard le 30 novembre 2020.
  • Article 12
    L’article 12 rend applicable dans les îles Wallis et Futuna toutes les dispositions de l’ordonnance.

Activité partielle

Afin de limiter les conséquences de la crise sanitaire liée au Covid-19 sur les entreprises, le Gouvernement a redimensionné le dispositif d’activité partielle afin d’en faciliter l’accès et de réduire les montants laissés à la charge des employeurs.

Voir l’article dédié : Coronavirus/COVID-19 : l’activité partielle

Paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels

Voir l’article dédié : Loyers, eau, gaz et électricité : que prévoit l’ordonnance ?

Date limite et conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

L’ordonnance assouplit les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat afin de permettre à toutes les entreprises de verser une prime de 1 000 euros à leurs salariés en activité pendant la période actuelle. Cette prime, ouverte aux salariés du secteur privé dont la rémunération ne dépasse pas 3 Smic, est totalement exonérée de prélèvements fiscaux et sociaux, pour le salarié et pour l’employeur. La mise en place d’un accord d’intéressement n’est plus nécessaire pour verser une prime de 1 000 euros. La date limite de versement de la prime est reportée du 30 juin au 31 août 2020. Le montant maximal de la prime est porté à 2 000 euros pour les entreprises ayant mis en place un accord d’intéressement.

Instances représentatives du personnel

L’ordonnance détermine les modalités de suspension des processus électoraux en cours dans les entreprises, ainsi que les conditions de leur reprise et les mesures relatives au statut et à la protection des représentants du personnel pendant la période de mise en oeuvre différée de ces processus électoraux. Le texte modifie également les modalités d’information et de consultation des instances représentatives du personnel, notamment des comités sociaux et économiques, afin de leur permettre de rendre les avis requis dans les délais impartis, notamment en facilitant le recours à la visioconférence.

Formation professionnelle

L’ordonnance reporte les échéances fixées par la loi en matière de certification qualité et d’enregistrement des certifications et des habilitations dans le répertoire spécifique. Le texte diffère jusqu’au 31 décembre 2020 au plus tard la réalisation des entretiens d’état des lieux du parcours professionnel. Il adapte les modalités relatives à la validation des acquis de l’expérience et permet la prolongation des contrats d’apprentissage et de professionnalisation, ainsi que de la durée pendant laquelle un jeune peut rester en formation dans un centre de formation des apprentis dans l’attente de la conclusion d’un contrat d’apprentissage.

Report du scrutin de mesure de l’audience syndicale auprès des salariés des entreprises de moins de 11 salariés et prorogation des mandats des conseillers prud’hommes et membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles

Le texte modifie les modalités d’organisation du scrutin organisé auprès des salariés des entreprises de moins de 11 salariés, initialement prévu en fin d’année, en le reportant au premier semestre 2021 et en en redéfinissant à titre exceptionnel le corps électoral. Il proroge les mandats actuels des conseillers prud’hommes et des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles. La durée des mandats des conseillers prud’hommes et des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles qui seront nommés dans le cadre du prochain renouvellement sera raccourcie à due concurrence par le biais d’une disposition législative spécifique afin que les différents scrutins coïncident.

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